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7 février 2010 7 07 /02 /février /2010 22:40

    Avec moi, un homme petit et trapu d’une trentaine d’années, cheveux rasés. Nous nous toisons mutuellement en gardant nos distances. Puis mon adversaire recule jusqu’à la paroi derrière lui et s’y adosse nonchalamment en détournant son regard de moi. Tentative pour installer de la confusion dans mon esprit. Mais s’il est parvenu à ce stade, c’est qu’il est loin d’être un débutant. Il a déjà tué sept personnes, donc non seulement il ne refuse pas le combat, mais en plus il y excelle. Je me dirige donc vers lui sans me laisser dérouter en aucune façon par sa manœuvre. Quand j’arrive à quelques pas de lui, il bondit sur moi en prenant appui sur le mur. Je ne m’attendais pas à une telle vélocité dans le déplacement et je n’ai que le temps de monter la garde pour encaisser son attaque de poing. Mais il enchaîne et son crochet bas du gauche m’atteint au foie. C’est douloureux mais je lance ma paume en direction de son visage. L’homme esquive en se baissant, me ceinture aux hanches, puis me fait chuter en arrière. Je tombe sur le dos, mon adversaire au-dessus plaqué à moi, et j’exécute un violent coup de coude descendant qui atteint le sommet de son crâne. Choc très dur et vive décharge dans mon coude. L’homme tente d’avancer sur moi pour se mettre dans une position plus favorable, et j’enfonce mon pouce dans le creux de sa clavicule où se trouve un point de pression. La douleur occasionnée le stoppe dans son mouvement, et il essaie de retirer mon pouce en venant agripper mon poignet avec sa main. J’attrape alors son index avec ma main restée libre et le tord d’un coup sec. Je sens qu’il se disloque. L’homme grogne et se relève brusquement, puis plonge vers ma tête et m’administre un coup de poing dans le nez que je ne réussis pas à bloquer. J’immobilise mon adversaire en le maintenant derrière la nuque contre ma poitrine. Un voile de larmes se forme sur mes yeux et j’y vois très mal. Toujours sur le dos, j’enroule mes jambes autour de son buste afin de le maintenir, et je desserre mon étreinte autour de sa nuque pour venir appuyer mes deux pouces sur ses yeux. L’homme perd immédiatement toute énergie et se met à hurler. J’appuie de toutes mes forces sur les globes oculaires, que je sens s’enfoncer. Puis l’homme sort de sa paralysie et pose ses mains sur ma poitrine pour se dégager. J’en profite pour ressaisir son index déboîté et je le retords dans tous les sens. Véritable torture qui annihile à nouveau toute l’énergie de mon adversaire. Je me dégage donc de sous lui tout en maintenant le doigt blessé, puis je passe dans son dos et place un étranglement verrouillé à deux bras. L’homme se débat violemment et manque de m’éjecter, mais je l’enserre de nouveau avec mes jambes. Ses bonds et ses secousses finissent par nous retourner, mais l’étranglement est toujours en place. Je suis sur le dos, lui au-dessus de moi tourné vers le plafond, et il tente désespérément de m’attraper la tête avec ses mains en arrière. Acharnement inutile. Mon adversaire faiblit très vite, pour finalement tomber inconscient. La prolongation de la strangulation le fait alors passer de vie à trépas.

 

    Je sens à nouveau le banc en bois sous mes fesses ainsi que la fraîcheur de l’église, et j’essuie mes larmes pour y voir plus clair. Carlos, à mes côtés, est vivant. La physionomie de la brochette de moines à l’autre bout de l’église a quant à elle changé : sur les douze hommes, quatre sont écroulés sur leur prie-Dieu. Les survivants auscultent leurs camarades inertes, et les quatre s’avèrent bien être morts. Un moine s’en va faire sonner les cloches. Nous aidons ensuite à porter les corps dans le cimetière à côté et à creuser les fosses, puis nous prenons congé de la confrérie avant les rites funéraires, avec multiples remerciements.

    Nous marchons à travers la vieille ville en nous éloignant de cet étrange équivalent occidental du temple de Shaolin, pour finalement ressortir des fortifications. Mon nez me fait très mal, mais je ne pense pas qu’il soit cassé, et je remarque que Carlos boîte légèrement et commence à avoir un œil qui gonfle. Alors que nous nous dirigeons vers nos motos qui n’ont pas bougé, il me dit :

    — Je ne suis pas mécontent qu’on se taille. Ils ont été très gentils avec nous, c’est pas le soucis, mais le trip religieux, je ne m’y ferai jamais.

    — C’est sûr que c’était pas la grosse déconne, réponds-je. Mais leur façon de s’entraîner était riche d’enseignement, et leur théorie sur le Grand Tournoi intéressante, non ?

    — Mouais. Pour l’entraînement, je ne dis pas, mais leur blabla biblique, ça ne m’atteint pas plus qu’un conte pour enfants. Bref, à nous de nouveaux horizons, et c’est tant mieux !

    Après avoir quitté la soutane et retrouvé nos habits civils, nous reprenons donc la route vers le sud en longeant la côte. Au bout d’une heure et demie, nous sommes en vue de l’île d’Oléron et ne résistons pas à l’envie de traverser le long pont qui y mène. Le temps de faire un tour dans l’île et la nuit s’apprête à tomber, donc nous choisissons une maison d’un village pour campement.

    Au matin, nous nous entraînons sur une plage, et nous quittons l’île après le repas du midi, pour arriver vers 14h à Royan. Nous nous arrêtons sur le port et allons nous servir une boisson dans un des bars qui le longent. Assis en terrasse, je sors la carte routière de mon sac afin de me faire une meilleure idée de l’itinéraire.

    — Bon, là, on a deux options, annoncé-je finalement à Carlos. Avant, pour franchir l’estuaire de la Garonne, il y avait un bac qui reliait Royan à Verdon qui est juste en face. Donc soit on fait un grand détour pour contourner l’estuaire jusqu’à ce qu’on tombe sur un pont, soit on emprunte un des bateaux du port.

    — Je vote pour le bateau, et le plus gros possible, répond Carlos. Et si tout se passe bien, on pourra encore profiter un peu de l’électricité et du chauffage.

    — Ҫa roule, je vote pour ça aussi. En plus, il y a très peu de vagues, donc on ne se fera pas trop secouer.

    Nos verres terminés, nous nous mettons donc à explorer les yachts qui trônent dans le port de plaisance. Nous commençons par les plus luxueux, mais aucun d’eux n’a les clés sur le contact. Une vedette de dix mètres de long s’avère finalement être notre meilleur choix, et il suffit d’en dégager le propriétaire décédé à l’arrière que nous jetons par-dessus bord dans l’eau du port. Les moteurs finissent par démarrer avec beaucoup de mal, et nous embarquons les motos avec grand peine. Puis une fois les amarres larguées, nous sortons lentement du port. Ce bateau réagit bien mieux aux manœuvres que notre ancienne péniche. Il aurait été plus logique de se faire la main là-dessus. Il s’agit d’une embarcation de plaisance, constituée d’une cabine de pilotage qui sert également de carré avec coin cuisine et table à manger, et d’une couchette un peu en contrebas qui suit la forme en ogive de la coque. À l’arrière se trouve un espace libre sur lequel sont couchées nos motos.

     Nous gagnons l’estuaire, et retrouver les sensations du roulis m’est très agréable. Le bateau, une fois les moteurs poussés à fond, avance bien plus vite que ne le faisait la péniche, et nous parvenons rapidement à proximité de la côte opposée, avec la grisante impression de glisser sur l’eau. Un impressionnant spectacle s’offre alors à moi : sur une digue est encastré le nez d’un gros navire. Seul la proue dépasse, le reste étant sous les flots. À voir son allure, je pense qu’il s’agit du bac qui assurait la traversée de l’estuaire. Et dans ma tête se forme le scénario de ce naufrage : le vendredi 21 Décembre, le bac, chargé de voitures et de piétons, était en train de relier Royan à Verdon, et le premier Combat  est arrivé, tuant entre autres le capitaine. Le navire a alors continué sur sa lancée sans personne pour le diriger, et est venu s’écraser à pleine vitesse sur cette digue. Dans un bateau, ce n’est pas trop grave, car les survivants ont quand même pu débarquer, mais j’imagine le grand nombre de crashs aériens qui se sont déroulés au même moment. De nombreux avions privés de pilotes qui ont fini par piquer du nez, emportant leurs passagers dans une mort certaine.

    La décision est prise de ne pas débarquer tout de suite et de continuer à longer un peu la côte en direction du sud. Au bout d’une demi-heure supplémentaire de navigation, nous stoppons les moteurs afin d’essayer de pêcher avec le matériel que nous avons trouvé dans un des coffres arrières.

    Nous tenons une canne chacun, assis sur le rebord du bateau, bercés par le léger tangage et le vent du large nous caressant le crâne. Du poisson frais pour le dîner serait le bienvenu. Mais au bout de quelques minutes, Carlos devient blême, et finit par se pencher au-dessus de l’eau pour vomir.

    — Je me sens pas bien du tout, dit-il ensuite. J’ai un putain de mal de mer.

    — Mais non, continue à gerber, ça fait de l’appât pour les poissons, réponds-je.

    — Je déconne pas, il faut retourner à terre, gémit Carlos, juste avant de vomir à nouveau.

    — Ok. On remonte les lignes et je remets le bateau en marche. Toi tu restes à l’arrière.

    Étrange, cette maladie soudaine, alors que nous avons passé deux semaines sur l’eau sans problème. En même temps, une péniche sur un fleuve ne remue pas comme une vedette sur un océan.

    À pleine vitesse, nous arrivons bientôt sur la côte et je mets le cap sur un minuscule port. Dès que je termine la manœuvre pour accoster sur un ponton, Carlos se précipite dessus afin de retrouver un sol plus stable. Une fois les motos débarquées, nous cherchons nourriture et logis, et passons une nuit fraîche.

    Au réveil, alors que nous sommes encore tous les deux allongés, je demande à Carlos :

    — Ҫa va mieux qu’hier mon pauvre titi ?

    — Oui, rien ne vaut la terre ferme. Je ne savais pas que j’étais malade en mer.

    — En tout cas, si Julio avait été là, tu peux être sûr que t’en aurais pris plein la gueule ! reprends-je.

    C’est la première fois que nous évoquons l’un des nôtres disparus. Après un petit silence, Carlos finit par répondre :

    — Oui, c’est sûr, il se serait bien foutu de moi ce salaud-là… Mais je suis certain que c’est La Taupe qui aurait gerbé en premier.

    — Avec Marc, ils me manquent quand même ces cons-là, soupiré-je. On ne connaîtra plus jamais nos réunions et nos grands n’importe quoi. C’est une sacrée chierie…

    Nous évoquons alors de nombreux souvenirs, puis nous imaginons ce que nous ferions si nous étions encore tous ensemble. Ҫa nous fait du bien de repenser à eux. Puis j’ai ensuite une pensée pour ma famille.

    À notre levé, je me rends compte que l’œil de Carlos a beaucoup gonflé. J’ai quant à moi très mal au nez. Nous roulons un peu en matinée en continuant de traverser les petites villes côtières. Depuis quelques temps, j’ai remarqué que l’on voyait de plus en plus d’animaux sauvages s’aventurer sur les routes et même en périphéries des villes. L’absence de bruits de voitures et d’activité humaine doit les encourager à s’aventurer plus loin qu’ils ne le faisaient auparavant. J’aperçois d’ailleurs avec stupéfaction un renard qui attrape en pleine course un lièvre sur le bas-côté. La vie sur Terre suit vraiment un scénario extrêmement simple mais passionnant : les êtres vivants se battent et rivalisent d’ingéniosité afin d’obtenir et de garder de la matière organique pour pouvoir vivre et se reproduire. Ni plus, ni moins. Ce stock de matière est limité à la surface du globe terrestre et fabriqué par certains êtres vivants (autotrophes). C’est pourquoi, parmi les autres (hétérotrophes), seuls les meilleurs peuvent en acquérir et la conserver. Ils élaborent pour cela des stratégies, se dotent d’armes par le biais de l’évolution… Leurs outils sont leurs gènes, qui leurs permettent de "modeler" cette matière organique. Cette incessante course à la matière est très bien organisée et établie sur Terre, se composant de gigantesques réseaux de chaînes alimentaires qui sont de grandes séries de proies et de prédateurs. Mais l’homme moyen ne se rend pas du tout compte de cette bataille essentielle quotidienne car tout lui arrive tout cuit dans l’assiette. Même encore maintenant, car il suffit de fouiller les maisons pour trouver des conserves. On peut d’ailleurs noter que l’homme était le seul mauvais joueur de la partie, parce qu’il refusait de rendre "sa" matière organique et de la réinjecter dans le grand cycle, en l’enfermant dans des cercueils ou en la brûlant à sa mort. Un simple refus illusoire de la règle du jeu qui stipule que ce n’était qu’un emprunt provisoire.

    Nous atteignons Lacanau sur l’heure du midi. Il fait très beau et la température est remontée. Nous laissons les motos dans une ruelle et arpentons la petite ville à pied. Comme à l’accoutumée, nous aimons bien nous poser pour boire un coup après avoir fait de la route, et nous entrons donc dans un des nombreux bars du front de mer. En passant derrière le comptoir pour nous servir une canette, nous découvrons un très important stock de denrées diverses. Nous profitons donc de ce coup de chance et entamons le tri des meilleurs produits pour nos futurs repas. Nous sommes tous les deux affairés à notre tâche lorsqu’une voix retentit dans notre dos :

    — Hé ! Je vais vous apprendre à voler moi, bande de petits merdeux !

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commentaires

B
<br /> Bonjour,<br /> <br /> Je viens de découvrir votre blog et votre histoire, et après quelques chapitres j'accroche déjà. J'ai hâte de continuer et certainement terminer quand vous aurez vous-mêmes terminé ! Bravo !<br /> <br /> <br />
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L
<br /> Encore une fois, non, c'est bien la bonne orthographe, par exemple "objecté-je" car c'est au présent et non au passé.<br /> Je suis triste aussi qu'il ne reste plus que 8 épisodes, même si je sais que bientôt j'aurai la version complète entre les mains ! ... Hâte de la lire car ca signifiera que peu de temps après de<br /> futurs éditeurs l'auront à leur tour entre les mains !<br /> A bientôt =)<br /> <br /> <br />
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R
<br /> Il faut faire gaffe aux fautes sur les :<br /> objectai-je et non objecté-je, tu as fais très souvent cette faute.<br /> <br /> <br />
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A
<br /> Je suis d'accord avec jack, je pense qu'il va se passer quelque chose en rapport avec les "aliens" ou "Dieu" selon les hypotéses, sinon, eddy, sa avance l'édition ?<br /> <br /> <br />
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E
<br /> J'attends différentes relectures avant d'envoyer des manuscrits.<br /> <br /> <br />
J
<br /> Oui, je pensais qu'il en restait plus moi aussi :-(<br /> En tout cas je me demande comment ça va finir... Car logiquement Nico ne peut pas aller jusqu'au bout non?<br /> <br /> <br />
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  • : Roman en ligne: Le Grand Tournoi
  • : Je publierai ici mon roman sous forme d'épisodes. Une histoire apocalyptique teintée d'arts martiaux et de philosophie.
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