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3 mars 2010 3 03 /03 /mars /2010 21:21
















   
Je m’appelle Jake, j’ai 23 ans et je vis dans l’outback australien. Nous sommes aujourd’hui le Jeudi 5 Juillet 2013, soit la veille du 29ème Tour du Grand Tournoi. J’ai l’intuition - et je m’y fie - que celui-ci sera l’avant-dernier. Deux Tours sur les trente-deux théoriques auront donc sauté du fait des décès hors-Combats.

    Je suis parvenu à ce stade avec une grande facilité et je sais que je serai le grand vainqueur final. Je n’ai même pris aucun coup durant les vingt-huit derniers Combats. Dans ma petite enfance, on avait vite remarqué chez moi un comportement étrange et une gestuelle ultra-rapide et saccadée. J’étais intouchable durant les chamailleries, je répondais au quart de tour à n’importe quelle stimulation et faisait preuve d’une adresse incroyable dans toutes les activités physiques, ce qui avait le don d’amuser mes parents, jusqu’au moment où je me mis à défier les animaux mortels du coin, comme les serpents ou les alligators, en les provoquant volontairement pour ensuite éviter de justesse leurs morsures. Bien que je ne manquais jamais mon coup, ma mère était terrorisée par ce jeu qu’elle ne parvenait pas à m’interdire et envoya mon père m’emmener chez le médecin local qui se trouvait tout de même à une centaine de kilomètres de chez nous, en vertu des ordres de grandeur en vigueur dans cette région. Le médecin me fit faire quelques tests qui confirmèrent entre autres des temps de réaction anormaux mais ne décela rien de spécial en moi qui pourrait permettre une explication, c’est pourquoi il m’envoya faire des examens dans un grand hôpital universitaire de Sydney. Les professeurs présents là-bas me firent à leur tour subir une longue série de tests et d’examens médicaux qui révélèrent notamment une anomalie au niveau des gaines de myéline qui entourent les nerfs, qui permettait une vitesse bien plus grande de la propagation de l’information nerveuse. Ils trouvèrent également des anomalies concernant mon système nerveux central dont j’ai oublié depuis les caractéristiques. Je me souviens par contre du résultat chiffré d’un test qui déterminait le temps de réaction à un stimulus : là où les individus normaux mettaient de 0,2 à 1 seconde pour réagir, je mettais 0,01 seconde, soit vingt fois moins que les plus rapides. Du jamais vu pour les médecins qui prévinrent d’autres scientifiques et demandèrent à mes parents l’autorisation de me garder quelques temps pour continuer leurs recherches, moyennant un dédommagement d’argent conséquent. Ma mère refusa.

    Je rentrai donc à la maison sans être plus avancé. Je savais juste que mon cerveau analysait les situations bien plus vite que la normale, et que les contractions que je commandais à mes muscles se réalisaient dans une quasi-immédiateté, dépourvues du temps de latence présent chez tous les autres humains.

    J’étais très en avance à l’école et entrai à l’université à l’âge de 14 ans, mais j’arrêtai un an plus tard, par manque d’intérêt. Durant cette brève expérience de la ville, de nombreuses équipes sportives professionnelles me courtisèrent à cause de mes capacités hors du commun, mais je préférai finalement rentrer dans mon outback natal, au grand désespoir de mes parents. Cette gigantesque région située à l’intérieur de l’Australie, avec ses immensités peuplées de troupeaux de moutons et de vaches appartenant à de vastes fermes me permit de gagner ma vie en tant que Shearer, c’est-à-dire tondeur de moutons, ou bien en tant que rabatteur de bétail à cheval, ce qui était ma spécialité. J’allais ainsi de ferme en ferme pour louer mes services, ne voyageant qu’avec mon cheval parmi ces étendues de terre rouge à perte de vue, gagnant assez d’argent pour pouvoir alterner avec de longues périodes de retraite dans les zones les plus reculées du bush, endroit inhospitalier qui me fascinait, semi-aride en saison sèche et se transformant chaque année pendant la saison des pluies en un marécage inextricable.

    J’ai toujours été un handicapé des sentiments. En fait, je ne ressens ni sentiments ni émotions. Je ne peux d’ailleurs me faire qu’une idée grossière de ce que c’est à partir de ce que j’en ai lu ou entendu, ce qui me valut de ne jamais avoir de véritable ami, d’exaspérer ma famille et mes enseignants, et de ne jamais garder une petite-amie plus de deux semaines. Toutes choses qui ne m’ont jamais dérangé.

    Mon premier contact avec les arts martiaux se fit par le biais des aborigènes. Du fait de mes longs séjours répétés dans le bush, je sympathisai en effet avec une tribu vivant dans un territoire reculé, et ses membres m’acceptèrent bientôt, non pas comme l’un des leurs, mais plutôt comme un invité très apprécié. Je ne tardai pas à apprendre leur langue et ils m’enseignèrent d’abord leurs techniques de survie, surtout l’art de la chasse et de la cueillette. Ils s’émerveillaient de mes capacités à attraper les animaux, et vint le moment ou le meilleur guerrier de la tribu décida de m’enseigner les rudiments de leurs techniques ancestrales de combat. Ce fut une révélation pour moi. J’excellais dans le maniement des armes et dans le combat à main nue. Lors des duels que je fis avec tous les guerriers de la tribu, je les vainquis tous en quelques instants, sans qu’ils aient ne serait-ce qu’une chance de me placer une attaque ou de voir venir les miennes. Les seules expériences que j’avais eues avec le combat auparavant avaient été deux ou trois simulacres de baston, comme tout le monde en a connu durant sa scolarité, pendant lesquels je m’étais contenté de repousser gentiment mes assaillants, voyant venir leurs coups au ralenti et ne trouvant aucun intérêt à les frapper en retour, tant ils étaient inoffensifs.

    Mais à partir de cette initiation des aborigènes, je me mis en tête de m’entraîner assidûment aux arts martiaux et j’étudiai des manuels techniques de différentes écoles, je visitai les rares salles d’entraînement de la région, et je finis par mettre au point mon propre système de combat, avec sa stratégie, son panel technique et ses méthodes d’entraînement. En m’exerçant quotidiennement, j’ajoutai bientôt à ma vitesse et à ma perception surhumaines une puissance phénoménale dans chaque frappe, saisie ou projection, sans compter l’affinement de mon bagage technique. Je m’exerçais sans relâche mais ne trouvais jamais un partenaire à ma mesure. Il m’était tout simplement impossible de faire des sparrings avec quiconque, car soit je devais me brider de façon abusée, soit je dégoûtais le partenaire en jouant avec lui comme un chat avec une souris, ce qui de toute façon ne me permettait pas de progresser. Cette absence de challenge me fit arrêter l’entraînement après deux ans de travail acharné en solitaire, c’est-à-dire à l’âge de 18 ans. Mais pour arrondir les fins de mois pendant les périodes où je ne trouvais pas d’emplois dans les fermes, je fis la tournée des pubs, défiant en combat tous les gros bras de la région pour des paris d’argent auxquels les clients présents participaient avec enthousiasme. Évidemment, aucun challenger n’eut la moindre chance pendant ces nombreux duels.

    On m’amena un jour un dirigeant d’une grande compétition internationale de free-fight qui était en vacances dans les parages et toujours prêt à recruter de nouveaux combattants, mais quand il me demanda de lui faire une démonstration contre un adversaire chevronné, il fut effrayé par mon niveau, et non seulement il ne me proposa pas une place dans sa compétition, mais en plus me dissuada de tenter ma chance auprès d’autres dirigeants car ils me refuseraient tous l’entrée, ma présence dans une discipline de combat signifiant automatiquement la mort de celle-ci, par impossibilité de m’opposer quelqu’un ayant la moindre chance de pouvoir me résister quelques secondes. Mieux valait garder des combattants médiocres mais de niveau égal, car sinon plus de spectacle et plus de recettes.

    Je continuai donc ma routine, entre rabattage de bétail et escapades dans le bush, me faisant des fois un peu d’argent avec des activités plus spéciales pour les touristes, comme titiller un crocodile jusqu’à ce qu’il attaque et éviter ses crocs grâce à ma rapidité (c’est-à-dire mon jeu d’enfance), ou alors esquiver ou attraper au vol des flèches tirées par un archer.

    Tout cela m’amena gentiment jusqu’à mes 22 ans et au début du Grand Tournoi quelques mois plus tard. Je pressentais à l’époque que quelque chose de terrible se préparait au niveau mondial mais je n’aurais jamais imaginé ça.

    Mes parents moururent dès les premiers Tours ce qui, pas plus que tout autre événement, ne me fit ressentir d’émotion. Tout juste une sensation un peu désagréable qu’il me manquerait désormais quelque chose à jamais. Les Combats furent une formalité et je pris presque plaisir avec ce concept de tournoi planétaire. Cela me fixait une sorte de but dans la vie, et accessoirement me permettrait d’affronter au final les meilleurs combattants du monde. En dehors des Combats eux-mêmes, je survécus avec grande aisance, trouvant ma nourriture dans les épiceries, les fermes, attrapant quand l’envie m’en prenait un mouton ou une vache, chassant et cueillant dans le bush comme mes amis aborigènes me l’avaient enseigné. Je vis les rares habitants de l’outback s’éteindre rapidement, pour ne plus en croiser aucun en Mars, fin de la saison des pluies et mois de mon anniversaire. La solitude ne m’a jamais dérangé, je l’ai au contraire constamment recherchée au cours de ma vie, mais de savoir que celle-ci était devenue définitive me fit tout de même bizarre. L’idée m’effleura de me rendre dans les villes de la côte Est pour voir ce qui s’y passait et pensant qu’il y aurait encore quelques survivants, mais je me ravisai vite, préférant de loin continuer à vivre dans mes terres sauvages natales. Et, alors qu’ici les gens se serrèrent les coudes dès le début des événements, s’entre-aidèrent comme ils le pouvaient, je suis persuadé qu’en ville il y eut des affrontements et des atrocités de commises. C’est la nature de l’homme qui veut ça. Il est fait pour vivre en petits groupes, pas pour s’entasser avec des milliers d’autres.

 

    À l’heure qu’il est, nous ne devons plus être que quatre humains encore en vie sur la planète. Quatre individus errant sur une planète devenue tombeau géant. Les quatre meilleurs combattants. Et rien à voir avec les pseudos "champions du monde" qu’élisait le sport avant tout ça, qui étaient des centaines par an selon qu’ils appartiennent aux quelques licenciés consanguins de la fédération de Machin-Do ou qu’ils fassent partie de la catégorie poids morpion. Là il s’agit réellement des quatre plus grands guerriers à main nue du globe, sans contestation possible. Mais bien que j’aie pu constater l’augmentation énorme du niveau au fil des Tours, je sais très bien que ces trois autres combattants ne m’arriveront pas à la cheville, aussi puissants physiquement et entraînés soient-ils. Mes anomalies génétiques m’ont placé hors du lot de façon trop nette. Je suis tombé sur des gens excellents, de véritables experts, des maîtres, mais malheureusement pour eux dotés d’un organisme au fonctionnement et aux structures désespérément normales, bien que poussés à leur maximum.

    Dés le premier Combat, je n’ai eu aucun scrupule à tuer, homme, femme ou enfant. Toujours cette absence de sentiments. Certains de mes adversaires étaient surprenants, je me souviens notamment d’un homme, au 9ème Tour je crois, qui était apparu  avec les deux bras cassés qui pendaient le long du corps. Ses coudes avaient visiblement été disloqués volontairement par quelqu’un et il pleurait de rage et de peur dans l’arène. Je me suis demandé qui avait pu faire ça, et surtout si c’était mérité. De toute façon, arriver en pleine forme face à moi ne lui aurait été d’aucune utilité.

 

    L’après-midi va prendre fin, et comme les saisons sont inversées par rapport à l’hémisphère Nord et qu’ici c’est donc l’hiver, je préfère trouver un abri pour la nuit, même si les températures restent douces et ne descendent au plus bas que 10°C. Je mène donc mon cheval jusqu’à une petite maison perdue au bord d’une piste, lui trouve du fourrage et lui amène un seau d’eau de la citerne, puis je fais un feu pour faire cuire la patte de mouton que je transportais depuis ce matin. Je dors ensuite d’un sommeil calme et profond et me réveille avec les premiers rayons du soleil.

    Les Combats ont lieu à 21h et je choisis de continuer ma route d’ici-là. Après m’être occupé de ma monture, je me remets donc à suivre la piste qui mène vers le nord-ouest. Pas un nuage dans le ciel, pas un bruit. Je fais avancer mon cheval au pas. J’aurais pu, au début des événements, m’emparer d’un des nombreux 4x4 privés de leurs propriétaires, mais j’ai toujours préféré voyager à cheval. J’ai le mien depuis sept ans. De toute façon, aujourd’hui, les batteries de tous les véhicules sont vidées. Autour de moi s’étend un paysage plat de terre sèche parsemée de petits buissons. Je parviens l’après-midi dans un endroit plus rocailleux, et je vois soudain débouler à toute vitesse de derrière un relief un kangourou qui s’avère être poursuivi par une petite meute de quatre dingos. L’envie me prend alors de disputer cette proie aux chiens sauvages afin d’en faire mon repas. Je lance ma monture au triple galop en direction des animaux, m’empare de mon revolver dans une des fontes, rejoins la course-poursuite et abats le marsupial en pleine course d’une balle dans la tête. Les dingos remarquent seulement ma présence et s’enfuient, effrayés par la détonation et ma silhouette de centaure. Je stoppe mon cheval et descends à terre pour ramasser ma proie, et je remarque que la meute, bien que se tenant à une distance respectable, me fixe et grogne, hésitant visiblement à venir récupérer son dû. L’affrontement avec eux ne me fait pas peur mais il est actuellement inutile. J’attache donc rapidement la dépouille du kangourou à l’arrière de ma monture et quitte les lieux pour atteindre quelques temps plus tard un endroit propice à mon repas. J’allume un feu avec ma pierre à briquet et mon couteau, fais cuire les parties de l’animal dont j’ai besoin et abandonne le reste aux charognards.

    Il est déjà trop tard pour espérer trouver une habitation pour la nuit et je me résous à monter un campement de fortune. Une petite sieste m’amène à 20h30 et je patiente durant cette dernière demi-heure en jouant de l’harmonica près du feu. Aucune pression en moi, juste la hâte de découvrir mon nouveau challenger.

 

    Je suis dans l’arène. En face de moi se trouve un poids lourd très affûté. Mon gabarit plus modeste semble l’étonner et le rassurer, erreur commune à tous mes adversaires ces derniers temps. Je m’approche de lui, il fait de même. Parvenu à distance, l’homme lance une feinte d’attaque que je perçois comme telle et ne me fait donc pas broncher. Un peu surpris, il tente alors un enchaînement aux poings mais j’intercepte son premier coup au vol, brisant son poignet et deux de ses doigts avant même qu’il ait réalisé quoi que ce soit. C’est lors du début de son hurlement réflexe de douleur que je lui percute à pleine puissance la gorge, le faisant tomber inconscient avant de le mettre enfin à mort.

 

    De retour dans mon campement, je me rhabille, bois un coup, puis me couche et trouve rapidement le sommeil.

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commentaires

E
<br /> J'aimerais bien aussi que Nico ait survécu et se batte avec Jack. Mais je crois que ce combat a déjà eu lieu au chapitre précédent.<br /> <br /> <br />
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S
<br /> Depaysant, mais utile pour avancer dans une histoire. Comment notre premier heros aurait-il pu s'aventurer jusqu'ici avec une experience reduite par rapport aux personnes sur cette Terre qui<br /> devaient s'entrainer dès leur plus jeune äge.<br /> Jake est déjà plus experimenté, je lui souhaite bonne chance. Dans un sens, j'ai hàte de voir l'epilogue, mais cela signifierait la fin du roman, merde alors.<br /> <br /> <br />
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O
<br /> J'espere que nico s'en sera sorti même si sur le dernier épisode, il était à deux doigts d'y passer. Qui sait? Une oportunité? Un coup de chance?<br /> <br /> Et contre Jack? Aura t'il seulement qu'une once de chance?<br /> <br /> <br />
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P
<br /> Oui et a travers les yeux d'une personne neutre émotionnellement et qà qui la situation "plait" un minimum.<br /> <br /> Sincèrement je ne pense pas du tout que Nico puisse être le dernier adversaire... Par contre un autre personnage dont Nico à repensé récemment cela me parait plus plausible.<br /> <br /> <br />
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C
<br /> Dimanche soir??<br /> Que dalle, moi c'est lundi que j'attends avec impatience (et peur en même temps parce que ca signifie la fin de l'histoire :'( )<br /> <br /> Sinon tu prévois de faire d'autres histoires?<br /> <br /> <br />
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E
<br /> Pas dans l'immédiat, mais peut-être un jour, qui sait?<br /> <br /> <br />

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  • : Roman en ligne: Le Grand Tournoi
  • : Je publierai ici mon roman sous forme d'épisodes. Une histoire apocalyptique teintée d'arts martiaux et de philosophie.
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